samedi 10 août 2013

La Marianne aux chats errants

Celui-ci a été joué par Elodie Chassé, comédienne de la Cie TitartPetit, sur une scène flottante sur le Clain !  J'en étais très heureuse ! Malheureusement, je n'ai pas de photo car j'étais très occupée à l'embarcadère du Taco. 

La Marianne aux chats errants


Dans un jardin, la statue d’une femme s’anime soudain et s’avance. Des chats errants imaginaires la suivent. Au public.

Oui ! C’est moi ! Oui, oui, c’est moi ! Je marche. Je suis la femme qui marche. J’ondule quelquefois comme ces chats autour de moi. Je fais le dos rond, le temps rond, je déambule… Je frise un peu aussi avec la pluie qui goutte… goutte… dégoûte aussi parfois… Mais je suis là. Toujours là. (Elle se fige à nouveau en statue).

(Elle s’anime soudain au son d’un miaulement. Aux chats qui la suivent.) Oui, oui, je vous entends. J’entends vos cris. Chats-huants va ! Je suis de votre avis. Je vais en parler à ces gens réunis autour de moi… Finalement, ils sont un peu comme vous : chats errants en suspens…un bref instant…

(Elle s’adresse à nouveau au public.) J’ai juste perdu mon bonnet. Vous ne l’auriez pas vu ? J’y tiens beaucoup. Il vient de loin, lui aussi, très loin… On l’appelle phrygien…

Phrygien ? Quel nom étrange… non ?

Comme ses chats errants qui me suivent où que j’aille ! C’est étrange… Aucun d’entre eux ne m’appartient mais ils déambulent à mes côtés, au fil des gouttes…Ils me suivent. Souvent, et c’est assez beau, je dois dire…(Elle sourit pensive), je reçois leur déclaration d’amour…

Vous savez, je n’ai pas l’air comme ça mais mon jardin est immense ! Rempli d’arbres fruitiers ! Si vous pouviez voir le cerisier en fleurs !(Elle donne des photographies au public)

J’aimerais vous donner cette photographie de mon cerisier. C’était avant Fukushima.

(Silence)

Les humains sont étranges… Ils détruisent les cerisiers en fleurs…

Il suffit juste d’être patient pour croquer quelques cerises rouges…

Les hommes sans doute préfèrent les monstres. (Silence).

Ce bonnet était porté par Pâris, fils de Priam ! Oh ! À dire vrai, les princes me donnent souvent envie de vomir… Et permettez-moi de dire, surtout les vôtres… Je préfère ces chats errants qui m’accompagnent et particulièrement les chats de gouttière…

Je voulais juste vous rappeler que Pâris était originaire de Phrygie. (Elle se réjouit.) Ha ! Mon magnifique bonnet phrygien ! Vous savez, c’est important les mots parfois, ça raconte des histoires… Et c’est autre chose que les « storytelling » à la mode de vos politiques !

Pour vous dire la vérité, je suis très inquiète d’avoir égaré mon bonnet phrygien. Très inquiète… Souvenez-vous, c’est aussi le bonnet des esclaves affranchis de l’Empire romain. Oui, les « esclaves affranchis »…

La liberté ! Quel mot n’est-ce pas ? Il vous fait peur non ? (Silence) Et cette peur est grossièrement entretenue par vos politiques !
Quel jardin que le vôtre !
Tout vous sépare ! Tout vous égare ! Tout vous éloigne !
Pourquoi avez-vous si peur  ? Pourquoi ? (Silence).

Vous préférez les monstres, vraiment ?

Vous préférez avoir peur ?
Si vous laissiez la peur aux vraies histoires…

Vous avez le droit de réclamer d’autres valeurs !
Vous vous souvenez ? Vous ne passerez par ici qu’une seule fois !

Aujourd’hui, j’avance, je regarde vos voix, j’entends vos choix… Je contemple vos élections sur vos grands écrans plats… Et je vois des gens qui ont eux aussi perdu la tête ou leur bonnet ! Oui oui, je vous assure… La tête ou leur bonnet !

Certains me disent « Tous dehors ces étrangers ! » Et je vois des chiffres clignoter entre vos publicités, sur vos ordinateurs à la pointe du progrès : 20 % 20 % 20 % ! Quoi ? Deux personnes sur 10 ! Vous rendez-vous compte ?

D’autres me serinent à tous vents : « On n’a pas le choix : il faut se débarrasser du nabot corrompu ! » Excusez-moi mais je reste sans voix ! (Silence)

Je crois que vous aussi, vous avez perdu quelque chose… (Silence).

Il me semble… Il y a longtemps, je fredonnais une chanson… Avant que tous ces chats amoureux me suivent… Cette chanson ? Ecoutez… elle revient doucement au creux de vos oreilles…Liberté ? Égalité ? Fraternité ? Oui c’est ça ! (Elle sourit) Liberté ! Égalité ! Fraternité ! Vous vous souvenez ?
C’est elle qui guide encore ces chats errants qui me suivent ! Oui, c’est elle ! (Silence)

Je crois que vous aussi, vous avez perdu quelque chose…Vous ne voulez pas m’aider à retrouver mon bonnet phrygien ?
(Elle avance dans le public) Vous voulez bien m’aider Madame à retrouver mon bonnet ? Et vous Monsieur ? Je le portais, il n’y a pas si longtemps… Où est-il ? (Silence).

Il se cache peut-être dans un cerisier en fleurs ? (Elle part sans un mot).